Je suis reconnaissante envers la sclérose en plaques (SP). Je sais, je viens d’avoir un haut-le-cœur en disant ça. Ça me laisse un gout d’hérésie.
Je suis reconnaissante envers la SP, mais je ne vous parlerai pas des bons côtés de la maladie. Je ne vous demanderai pas de prendre une gorgée de rosé dans votre verre rose à moitié plein avant de vous remettre la tête dans le sable. Soyons clairs:
La SP fait chier. Grave.
Il n’y a aucun bon côté à cette affreuse maladie et je crois de tout mon cœur qu’elle est nulle.
Nulle. Nulle. Nulle.
Et je vais continuer à dire à quel point elle m’écœure pour toute la rage, l’angoisse et le chagrin qu’elle met sur mon chemin. Je vais pleurer chaque perte et chaque potentiel gaspillé. Je vais hurler, je vais chialer. Je vais laisser sortir la peine. Et qu’on ne vienne pas me dire que ça va bien aller.
Jamais.
Ce que j’attends de mon compagnon, c’est qu’il m’écoute, qu’il me verse un verre de vin, qu’il me prenne dans ses bras en murmurant qu’il m’aime. Je veux qu’il me tende un kleenex en me disant que — on se demande comment c’est possible — je suis encore plus jolie quand je pleure.
La poussière va finir par retomber, c’est toujours comme ça. Je vais prendre une grande respiration et je vais dire que je suis reconnaissante pour chaque putain de chose qui m’est arrivée dans la vie. Bien sûr, c’est plus facile à faire quand la crise est loin derrière. Le temps guérit, il aide à voir plus clair et à mettre les choses en perspective. Ultimement, j’en viens à reconnaitre tout ce que j’ai acquis en cours de route. Et ça s’appelle de la résilience.
La résilience est l’une des aptitudes les plus précieuses que l’on peut posséder et il n’y a aucune autre façon de la développer qu’à travers l’expérience pénible de la vie. La sclérose en plaques est le prix exorbitant que j’ai payé pour me transformer en caoutchouc.
Un caoutchouc résistant, élastique, résilient. La plupart des choses pour lesquelles nous disons merci à l’Action de grâce sont temporaires. Éventuellement, nous pouvons perdre des biens matériels que nous apprécions. Nous allons certainement perdre des êtres chers auxquels nous sommes attachés et puis un jour nous serons tous confrontés à la maladie et à la mort. Comment ne pas se sentir avalé par la nullité de tout cela?
Rendre grâce à ce qui ne fait que passer peut nous ramener dans l’instant présent, et c’est important de le faire. Mais cette année, je me sens particulièrement reconnaissante pour quelque chose de moins tangible et de plus durable, peut-être. Quelque chose sur quoi je peux même avoir un peu de contrôle.
Bla bla bla, les épreuves forgent le caractère, dit-on. Je ne suis pas convaincue, si j’avais eu à choisir entre des jambes fortes ou un caractère fort, que j’aurais opté pour le caractère. Mais bon, puisque je suis condamnée à apprendre de l’expérience pénible de la vie, la prochaine fois que la SP me jettera par terre, je pourrai me rappeler que ma grande capacité d’adaptation, je l’ai gagnée. Elle est bien vivante en moi. Même si mon corps s’écroule, moi,
je suis toujours là.
Je sais comment passer au travers. Ma résilience a sans doute une limite — on parle de caoutchouc ici, pas d’acier — mais je suis surprise de ne pas l’avoir encore atteinte. Et j’en suis reconnaissante.
Pour reprendre les mots éternels de Chumbawamba,
je me relève.*
*NDT: Les paroles originales de la chanson Tubthumping du groupe Chumbawamba sont I get knocked down but I get up again.
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