Toronto peut-elle parler de justice sociale sans toilettes accessibles?

J’adore ma ville. Notre ville. J’adore nos théâtres, notre scène comique, notre shopping. J’adore les lumières sur la ville et notre grosse enseigne géante. J’aime tout ce que cette ville a à offrir, mais par-dessus tout sa bouffe. De la poutine au bol poké, des dimsums aux beignets designers, Toronto est l’une des villes les plus diversifiées au monde et ça se reflète dans notre culture gastronomique. Un brunch bien arrosé avec mes copines ou une virée nocturne en ville, ça fait partie de l’urbanité. Sortir a toujours fait partie de mon style de vie.

Et pendant longtemps, je l’ai tenu pour acquis.

Comment Toronto peut-elle parler de justice sociale quand ses toilettes ne sont pas accessibles?

Jusqu’à récemment, je n’ai jamais pensé qu’une chose aussi simple qu’une sortie au resto ou dans un bar pouvait être en danger d’extinction. Il ne me serait jamais venu à l’esprit que le couple sclérose en plaques (SP) et toilettes inaccessibles allait me compliquer la vie à ce point. Les sorties que j’aime tant faire sont menacées par la SP et par une architecture d’un autre âge. Comme la plupart des gens, j’ai tenu l’accès aux toilettes publiques pour acquis.

Au bout du corridor à droite, en bas de l’escalier en colimaçon

Le charme de Toronto, comme de bien d’autres villes, tient en partie à son architecture ancienne. Mais cela signifie que dans la majorité des restaurants et des bars, les toilettes sont situées dans des cachots sous des escaliers abrupts et peu rassurants. On est tous d’accord pour dire qu’un endroit sécuritaire pour pisser est un besoin humain plutôt élémentaire. C’est pour cela que les restaurants et les bars sont tenus de combler ce besoin. Je ne veux pas vous ennuyer avec les règlements, mais sachez que ceux-ci ne protègent qu’une partie de la population.

Plus de 10% des Canadiens de 15 à 64 ans ont une invalidité (Statistiques Canada 2012). Ça grimpe au-dessus de 35% pour les personnes de 65 ans et plus. Ça fait un sacré paquet de monde qui n’a nulle part où pisser dans une majorité d’endroits.

Au Canada.

En 2017.

 

Quand on dit: «J’ai envie de pisser», on ne parle pas d’un désir ou d’un fantasme. On parle d’un BESOIN.

On est fait comme des rats

En attendant que la société se mette à jour, j’ai trouvé des solutions de rechange pour pouvoir m’assoir au bar et sortir dans le monde. Si je suis invitée au nouveau gastro-pub dans le dernier quartier branché, j’appelle à l’avance. Sinon, je vérifie dans AccessNow si l’endroit a une toilette au rez-de-chaussée. Ce n’est presque jamais le cas, ce qui veut dire que ce sera plutôt une soirée du genre rat-kangourou.

 

Ces salauds ne boivent pas — jamais. Faites votre recherche.

Une soirée rat-kangourou signifie qu’il faut renoncer aux cocktails à la glace pilée et aux généreux verres de vin, les deux pires trucs pour faire pisser. On mangera plutôt des biscuits soda en buvant des alcools forts, parce qu’une once de whisky procure un bon buzz sans les inconvénients de l’eau. 

L’accès aux toilettes publiques en fonction du genre, de la race ou de la capacité peut être un critère pour mesurer les valeurs d’une société. Avant ma sclérose en plaques, mon privilège de citoyenne aux jambes parfaitement fonctionnelles me permettait de vivre dans l’ignorance de ce problème. Si nous ne dénonçons pas la situation, les entreprises pourraient penser, à tort, que le besoin d’accessibilité est comblé.

Oui, je comprends: d’abord le gluten, et maintenant ça. Je sais, ce n’est pas facile de satisfaire tout le monde dans le monde de la restauration. Mais outre le fait que c’est la bonne chose à faire, les propriétaires d’entreprises ont l’opportunité d’être les leaders du prochain grand mouvement de justice sociale. De toute façon, personne n’aime vraiment les escaliers. Même les personnes ingambes, mais pompettes, râlent quand elles s’aperçoivent qu’elles doivent descendre les escaliers pour faire pipi, en talons aiguilles. 

Toujours pas convaincu? Considérez ce qui suit.

L’image de marque

Les entreprises accessibles ont le droit de se vanter. Elles gagnent le respect, et la fidélité, de tous leurs clients — sans égard à leurs capacités — en étant éthiques et inclusives.

La réputation

Toronto, comme le reste du Canada, est réputée pour sa diversité et son caractère inclusif. En tant que chef d’entreprise, vous pouvez contribuer à nourrir et à entretenir cette réputation enviable. 

L’argent

L’accessibilité, ce n’est pas seulement pour les personnes handicapées, les personnes transgenres et les parents de jeunes enfants, c’est aussi pour ceux qui les accompagnent. Les entreprises accessibles rejoignent plus de monde. Plus de monde veut dire plus d’argent. N’est-ce pas le but de votre entreprise?

La loi

De nombreuses mises à niveau peuvent être effectuées à peu de frais et seront rentables à long terme. Vous avez jusqu’en 2025 pour vous conformer à la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, alors soyez prévoyant et faites-le maintenant. Vous aurez l’air cool et vous ne vous ferez pas harceler par le gouvernement.

 

Voici une charmante photo de moi.
Vous voulez bien me servir à boire et me laisser pisser dans votre toilette?

Il y a d’autres entraves à l’accessibilité dont je n’ai pas parlé ici, mais la question des toilettes est un sujet chaud en ce moment. Pendant qu’on y pense, qu’on en débat et qu’on légifère — parce qu’on sait que c’est fucking important —, on ne doit oublier personne. Le handicap n’est pas un phénomène nouveau, et malheureusement, le fait d’ignorer les personnes handicapées non plus. À une époque où la conscience sociale atteint un niveau sans précédent, on peut ressentir comme discriminatoire le fait de ne pas permettre aux personnes handicapées de prendre part à la cité. Même si les obstacles ne sont pas intentionnels.

Je sais bien qu’un plateau de fromages et une dégustation de bière artisanale ne vont pas guérir ma SP. Mais pouvoir participer à la société qui m’entoure contribue à faire que la vie vaut la peine d’être vécue. Alors, faisons un marché: vous fournissez des installations inclusives, et tout le monde que je connais va vous faire une publicité d’enfer dans les médias sociaux. Il est temps d’inviter tout le monde à table. Et à la toilette.

Suivez Tripping On Air sur Facebook.

Laisser un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

SUIVRE SUR INSTAGRAM (EN ANGLAIS)