La dernière folie que j’ai faite pour défier la SP

Tu penses que tu peux m’arrêter, SP?

La semaine dernière, j’ai voulu aller à la terrifiante maison hantée Legends of Horror de la Casa Loma, le mini château néogothique de Toronto qui se trouve juste au bout de notre rue. Pendant presque tout le mois d’octobre, on a entendu les cris terrifiés des visiteurs jusque sur notre balcon et je voulais aller voir. Je me doutais bien que cette promenade fantôme de 2 km n’était peut-être pas l’activité la plus accessible en ville, mais j’ai mis ce doute de côté et j’ai acheté les billets.

La dernière folie que j’ai faite pour défier la sclérose en plaques (SP)

La veille du show, je suis allée sur le site de Legends of Horror pour savoir à quoi m’attendre. On recommandait aux gens qui ont des «maladies physiques» d’éviter cette activité. Cela m’a paru trop vague et mal informé puisque toutes les personnes qui ont des «maladies physiques» n’ont pas toutes les mêmes limitations ou capacités. Ils disaient aussi que ce n’était «pas idéal» pour les femmes enceintes. Finalement, j’ai commencé à me poser de sérieuses questions sur la personne qui décidait qui devrait ou ne devrait pas participer à cette activité. On ne parle pas d’alpinisme, mais de théâtre interactif. Je leur ai donc envoyé un mail pour avoir plus d’information. On m’a vite répondu que l’exposition n’était pas recommandée aux utilisateurs de marchettes ou de fauteuils roulants, parce qu’il y avait des marches et des tunnels. Ce n’était pas très précis. Genre, de combien de marches on parle ici? Note: Les personnes à mobilité réduite sont parfois capables de négocier quelques marches.

C’est la faute à FOMO

J’étais déchirée. Je me demandais si ce ne serait pas trop pour moi, mais l’idée de passer la soirée d’Halloween assise dans mon salon pendant que mes amis s’amusaient là-bas? Bonjour anxiété FOMO! De plus, je n’ai pas une marchette ni un fauteuil roulant: j’ai un déambulateur et une chaise de transport. Donc l’information qu’on m’avait envoyée ne s’appliquait pas à moi. Alors on y va.

Le Banquier a suggéré qu’on y aille avec Optimus Prime, mon déambulateur convertible. Comme ça, je pourrais marcher tant que j’en serais capable et le Banquier pourrait me pousser au besoin. Il transporterait aussi OP dans les escaliers. Le problème était donc réglé. J’ai à nouveau écrit au site pour leur parler de notre super plan et pour leur demander combien de marches on allait croiser au juste.

Voici ce qu’ils m’ont répondu:

«Je continue de croire que ce n’est Pas une bonne idée de circuler avec cet appareil sur le “relief accidenté” inhérent à l’expérience de Legends of Horror

Mis à part le manque d’égard envers ce cher OP, «cet appareil» (respect, s.v.p.), c’était une excellente nouvelle. «Pas une bonne idée», ce n’est pas un refus catégorique. Et ces guillemets autour du relief accidenté? C’était assez pour me convaincre que le relief serait en fait plutôt plat. Relisez votre grammaire, les amis. De plus, ils n’ont jamais répondu à ma question sur la quantité de marches, alors j’ai décidé que ce serait deux paliers. Deux et demi, max. Ce serait difficile, mais j’allais m’arranger. Parce qu’il y a une chose que les gens de la Casa Loma ne semblent pas avoir comprise: même si notre mobilité est réduite, on a encore tout un éventail de capacités. Les handicaps ne sont pas tous les mêmes et ce n’est pas cool de décider que quelque chose n’est pas fait pour tout le monde. Contentez-vous de nous donner les faits et laissez-nous décider si ça nous convient ou non.

Défier la SP

Le soir du show, on s’est habillés chaudement et on s’est préparés à avoir peur. Le Banquier m’a poussée jusqu’à la Casa Loma, et la première personne qui a eu peur, c’est le guichetier. Il nous a jeté un regard alarmé en fixant OP et en nous avisant que c’était «100% pas accessible». J’ai répondu qu’on allait s’arranger.

Et c’est ce qu’on a fait. Il y avait une quinzaine d’escaliers dans l’obscurité et dans le brouillard épais des machines à brouillard. Ce que la plupart des gens mettent une heure à parcourir nous a pris plus de deux heures. À quoi il faut ajouter une longue pause au bar à mi-parcours. En fait, c’était complètement insensé pour moi d’être allée là-bas.

Et je suis tellement contente de l’avoir fait.

Quand on a une maladie où le déclin semble inévitable, on a tendance à utiliser les choses qu’on ne peut plus faire comme points de repère pour mesurer le passage du temps. Quand je suis attirée par quelque chose qui a l’air un peu trop difficile pour moi ou même casse-cou, je me dis: si tu ne le fais pas maintenant, tu ne le feras jamais.

Alors quoi? C’est juste une maison hantée débile. (Ce n’était pas débile, c’était merveilleusement terrifiant.) Passer une soirée rigolote entre amis à faire quelque chose d’un peu différent peut sembler une expérience anodine. Mais si cela arrive à un moment où je suis particulièrement consciente de la progression insidieuse de la sclérose en plaques et des possibilités qu’elle m’enlève, je réalise avec une acuité douloureuse que ce genre d’expérience ne me sera bientôt plus accessible. Je sais intimement qu’à la même date l’an prochain, je ne serai plus capable de faire ce que j’arrive encore à faire aujourd’hui. Toute expérience perd de sa banalité quand on se dit:

C’est la dernière fois que je fais ça.

Je ne pensais pas que cette soirée de maison hantée allait virer en item de bucket list réalisé, mais je me suis réveillée le lendemain avec la satisfaction d’avoir expérimenté quelque chose d’unique et de cool. Les escaliers étaient beaucoup plus terrifiants que les banshees hurlantes et les têtes coupées qui essayaient de nous foutre la trouille. Finalement, cette soirée a été une sorte de Fuck you, SP.

Mon équipe

Je dois remercier le Banquier qui a dû se trimbaler avec OP dans les escaliers à travers les zombies comme un sacré héros. Et merci à ma patiente bande d’amies et d’amis, Trace, Lisa, Chris et Peter. Je me rends compte que c’est encore plus terrifiant de traverser un cimetière quand on doit le faire lentement. Merci de ne pas mettre de gants blancs avec moi. Merci de ne pas essayer de me convaincre d’être raisonnable. Et merci de me soutenir quand je choisis de foncer, même quand ça semble vraiment, mais vraiment de la folie.

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