Un mot-clic contre les préjugés sur les aides à la mobilité

Non, ce n’est pas #chanceux

Mon épiphanie avec les aides à la mobilité ne s’est pas faite en un jour. Je n’ai pas consenti, dans un moment de transe, à ce que la sclérose en plaques (SP) s’empare de mon corps et m’empêche de marcher. Accepter de passer de la forme cyclique (ou récurrente-rémittente) à la forme progressive secondaire de la maladie (SPPS) n’a pas été facile. N’est pas facile. Encore aujourd’hui, malgré une certaine acceptation, il y a des jours où je ne veux pas être quelqu’un qui a besoin d’une aide à la mobilité.

Un mot-clic pour vaincre les préjugés contre les aides à la mobilité

Accepter les aides à la mobilité dans ma vie et leur donner des noms cools n’a été que la moitié de la bataille. Il s’avère qu’il y a tout un monde de préjugés contre les déambulateurs, les fauteuils roulants et les cannes que je ne soupçonnais pas quand je n’en avais pas besoin. Ces préjugés amènent la plupart d’entre nous à associer inconsciemment les aides à la mobilité à des concepts assez négatifs. Comme:

faiblesse, diminué, fardeau, victime, autre

Je ne dirai pas qui, mais quelqu’un m’a dit récemment que c’était une bénédiction qu’un membre de sa famille n’ait pas survécu à une crise cardiaque. Imaginez, il aurait eu besoin d’un fauteuil roulant! Il n’aurait jamais pu accepter une chose pareille.

Sérieux.

J’ai fini par admettre qu’avoir besoin d’une aide à la mobilité n’était pas la marque d’un échec personnel. Mais je n’aimais pas l’image de moi que ça projetait. Je ne voulais pas que les gens me voient «comme ça». Je cachais ma canne ou mon déambulateur pour les photos. J’avais décidé de ne jamais utiliser de canne dans notre appartement, pensant faire croire au Banquier que j’étais encore en bonne santé. J’étais convaincue qu’avoir l’air soule était plus sexy qu’avoir l’air handicapée.

Ouais, aussi vaniteuse que ça.

Mais le Banquier n’est pas idiot. J’avais l’air soule et handicapée, et probablement un peu sotte. Après quelques bonnes crises existentielles, j’ai compris qu’il fallait que je me reprenne en main et que j’accepte ma nouvelle identité.

Me sentir opprimée et diminuée, ça ne me ressemble pas.

Les jeunes cools

C’est au cours de cette dernière crise existentielle, alors que je marchais avec ma canne, la tête enfoncée dans mon capuchon, que j’ai croisé un gars de mon âge qui avait aussi une canne. Il portait un fedora sans avoir l’air pour autant d’un p’tit con prétentieux. J’ai remarqué son pied tombant et je sais qu’il a remarqué le mien. Nous avons échangé un sourire complice avant de nous éloigner.

Dans les jours qui ont suivi, je n’arrêtais pas de penser à Fedora. Je me disais que ce gars avait l’air cool, il aurait pu être un de mes amis. Et puis ça m’a frappée. Bêtement. S’il a l’air cool avec une aide à la mobilité, peut-être que j’ai l’air cool aussi. J’ai compris que la clé pour accepter mon nouveau look (la version de moi avec une aide à la mobilité) était de voir des gens comme moi, de voir des gens mieux que moi.

Si j’avais vu cette fille, aurais-je tant hésité à utiliser une canne? 

Allez vous faire voir

C’est dans cet état esprit qu’il y a quelques semaines, j’ai passé une journée à me costumer avec l’extraordinaire photographe Alkan Emin et son équipe. Je ne veux plus attendre que les autres me définissent. J’en ai plein le cul de la stigmatisation. Je suis fatiguée de combattre mes propres préjugés minables contre les aides à la mobilité. J’en ai assez d’entendre d’autres personnes comme moi dire les mêmes conneries à leur sujet.

Les aides à la mobilité sont des outils, comme les lunettes. Sauf qu’on ne vous dit pas «force-toi un peu» si vous avez besoin de lunettes.

Et puis, hier soir, en me rendant au concert de Radiohead, avec mon nouveau déambulateur (qui ne passe pas inaperçu), un jeune homme m’a bousculée dans la foule. En fait, il voulait savoir où j’avais trouvé cette belle machine. Sa femme Lisa, m’a-t-il expliqué, avait la SP et ça la mettait «tellement mal à l’aise».

Oh, non!

Le mari de Lisa voyait bien que j’étais cool, et il voulait que sa femme se sente belle, même avec une aide à la mobilité. Ma tête explosait, mais je n’avais pas le temps de lui répondre, Thom Yorke m’attendait. Alors, j’ai dit: «Laissez-moi vous donner ma carte», et le mari de Lisa est resté bouche bée: «Euh, votre carte dit J’ai la sclérose en plaques»!

Tout à coup, je n’étais plus cool.

CARBON ULTRALIGHT WALKER by acre
Je blague. Regardez-moi!

#babeswithmobilityaids

Malgré ce que mon Instagram pourrait vous laisser croire, je lutte toujours contre ce sentiment de ne pas être à ma place. Les magazines de mode, les publicités sur papier glacé, les icônes de la mode n’offrent pas de modèles lookés avec des aides à la mobilité. C’est pourquoi mes pages sont remplies de selfies sans gêne tagués #babeswithmobilityaids.

Chaque jour, je choisis non seulement de croire en cette version de moi, mais de la montrer au monde entier, et de pousser les autres comme moi à croire en de meilleures versions d’eux-mêmes. Je m’affiche dans #babeswithmobilityaids parce que si je veux voir les gens qui me ressemblent, les gens qui sont plus beaux que moi, je dois, moi aussi, me montrer.

Chaque photo taguée #babeswithmobilityaids nous valorise

Nous devons changer l’histoire des personnes handicapées, pour nous-mêmes et pour les autres. La représentation des personnes handicapées progresse, mais nous ne pouvons pas attendre que les médias traditionnels montent dans le train. Les médias sociaux nous donnent la possibilité de corriger l’image des personnes handicapées. Nous pouvons être la plus grosse boite de relations publiques au monde en changeant l’image des aides à la mobilité pour que ceux qui les utilisent ne soient plus réduits à leur handicap. Il serait plus juste qu’ils soient perçus comme des modèles de force, de résilience, d’indépendance, de persévérance, d’adaptation, de fierté et de talent.

Je veux voir toutes les #babeswithmobilityaids. Je veux voir Lisa vivre sa vie en se voyant aussi belle que dans le regard de son mari.

Je veux vous voir. Et je veux que vous me voyiez.

Crédit photos: Alkan Emin

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