Quand la sclérose en plaques me plaque

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C’est une mauvaise journée SP, c’est-à-dire que je me sens minable, inutile, battue. Comme si j’étais entrée en collision avec un bloqueur des Alouettes. Oui, j’ai la sclérose en plaques (SP) et elle affecte de nombreux aspects de ma vie, mais je n’ai pas toujours de mauvaises journées SP. Une mauvaise journée SP, c’est quand tu ne peux juste pas. C’est le pire du pire de ce que la fatigue peut faire, ça t’éteint complètement. Ça t’arrête de marcher, même lentement, même en titubant.

Quand la sclérose en plaques me plaque

Je savais que ça allait être une mauvaise journée quand je me suis réveillée à 4h13 pour pisser. Pas parce que je ne me réveille pas toujours à 4h13 pour pisser (et à 1h35 souvent). Non. Je savais que ça allait être une mauvaise journée quand, après avoir été allongée cinq heures d’affilée, je me suis extirpée du lit avec les jambes faibles, ankylosées et raides, refusant de pointer dans la même direction. 

J’ai soupiré parce que je savais que ce n’était pas bon signe. À 4h13, normalement, mes guibolles sont à leur plus fort, après un repos total et assez de Baclofen dans mon système pour empêcher la spasticité. 

Ça, ça arrive à 8h d’habitude.

À 4h13, je peux généralement me rendre aux toilettes sans Blanche (ma nouvelle canne de luxe). Mais la nuit dernière, je n’ai pas pu. 

J’ai vacillé jusqu’à la salle de bain, comme la gracieuse déesse que je suis, et j’ai réalisé que ce n’était pas seulement mes jambes qui refusaient de collaborer. Tout mon corps était fatigué. De la fatigue propre à la SP. «Fatigue», quel mot insignifiant pour décrire ce qu’on ressent après avoir reçu la visite d’une meute de Détraqueurs. Rien à voir avec la fatigue ordinaire. Les Allemands ont surement un meilleur mot pour parler de cette impression qu’on vous suce votre substantifique moelle. Mais comme je suis trop fatiguée pour même googler ce mot allemand, je vais m’en tenir à ce que j’utilise depuis des années, c’est-à-dire:

Une mauvaise journée SP

Là, j’essaie de vaquer à mes occupations, je débats si j’irai ou non à mon massage de 14h30. D’un côté, je n’ai que quelques pas à faire pour aller jusqu’à l’auto et revenir. D’un autre côté, je vais avoir besoin d’énergie pour grimper sur la table de massage, et de force mentale pour laisser le thérapeute soulever mes jambes à ma place. Sans parler de l’effort pour me déshabiller et me rhabiller. Tout à coup, ça me semble insurmontable. Ça vous parait pathétique, je sais, mais enfiler un pantalon, c’est quelque chose que je ne peux faire qu’une fois par jour, les bonnes journées. 

La bataille fait rage

Je suis accablée quand je pense aux autres personnes affectées par les décisions que m’impose ma condition. Et en ce moment, je ne m’entends même plus penser parce que je respire par l’oreille droite, ce qui est une autre chose qui se produit quand je suis épuisée. Dites-moi qu’une autre personne atteinte de SP vit ce phénomène vachement ennuyeux, parce que mes médecins haussent les épaules comme si je l’inventais. De toute évidence, s’ils ne comprennent pas un symptôme, il n’existe pas.

C’est donc une mauvaise journée SP. Ce qui signifie qu’il faut que j’écoute mon corps, pas mes émotions. 

Mon corps me dit d’arrêter, mais mes émotions me disent de continuer de flipper. 

Mon corps me dit d’épurer mon agenda, mes émotions me disent «Tu laisses tomber tout le monde, et si t’annules ton massage, ils vont te barrer à la clinique».

Mon corps me dit de faire une sieste, mais mes émotions me disent de m’offrir un cocktail, «ça va te détendre, c’est l’été et tu le mérites».

Mon corps dit O.K., mais qui va préparer le cocktail? Le Banquier n’est pas à la maison avant trois heures et t’es pas capable de marcher jusqu’à la cuisine. 

O.K., le corps, t’as gagné.

C’est le troisième jour de cette pseudo poussée, causée par je ne sais quoi. Est-ce que j’en ai trop fait pendant le weekend? Oui, si j’étais grabataire. Je suis allée au marché fermier samedi. Ce n’est pas comme si j’avais cueilli mes propres fruits, et «marché fermier» n’est pas un nom de code pour une rave. Dimanche, je suis restée assise sur mon cul pendant quatre heures, pendant que les Yankees bottaient celui de l’équipe locale. Et je n’ai bu que de l’eau. 

Même si ces petites tentatives de vie normale coutent toujours quelque chose, je trouve exagéré d’être encore en train de payer, trois jours plus tard. Et dans toute cette vie de débauche, je me suis couchée tôt, j’ai dit mes prières et j’ai mangé santé. C’est juste que parfois, la sclérose en plaques n’en a rien à foutre. Ou je ne sais pas, peut-être que le petit Jésus n’aime pas que je dise des gros mots. 

Alors j’abandonne.

Je m’allonge et je survis. Je suis déjà passée par là. Finalement, j’ai renoncé à mon massage pratiquement gratuit et je me suis allongée deux heures dans ma chambre pendant que quelqu’un d’autre nettoyait mon appartement. 

Je n’ai toujours pas appris à méditer, mais j’ai appris une chose ou deux sur la façon de calmer mon hystérie lorsque les choses se présentent mal. Ce n’est pas parce que je me suis sentie comme ça aujourd’hui, hier et avant-hier que je vais me sentir comme ça demain. C’est ça, la sclérose en plaques.

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