Il est 3 heures du matin, et passé un certain âge, rien de bon n’arrive après 2 heures (ou avant 10 heures d’ailleurs). Lorsque quelqu’un vous réveille en sanglotant parce qu’il a fait pipi au lit, vous vous attendez à voir le visage d’un enfant en larmes. Mais nous n’avons pas d’enfants et le chien ne peut pas parler, donc par élimination, le Banquier savait que ça ne pouvait être que moi qui pleurnichais. De plus, comme je l’ai mentionné, mon chien est parfait. Cet animal ne pisserait jamais dans la maison, encore moins dans son propre lit.
Le Banquier s’est retourné et s’est immédiatement montré sympathique. Il m’a proposé avec enthousiasme de faire pipi dans le lit aussi, si cela pouvait me faire sentir mieux. J’y ai réfléchi, puis j’ai poliment refusé. Nous avons plutôt défait le lit et lavé les draps. Après avoir pris une douche, je me suis finalement remise au lit dans des draps propres, juste avant le lever du soleil.
La scène, bien que détestable, n’était pas nouvelle. Et le lit n’était pas le seul endroit où j’avais connu cette humiliation (un centre commercial, la voiture, la rue, chez des amis). Après avoir souffert de déshydratation auto-infligée, de contusions abdominales permanentes dues à la pression exercée sur ma vessie et d’une foule d’effets secondaires dus à des médicaments inutiles, j’ai décidé qu’il était temps d’essayer autre chose.
Ma médecin et moi avons convenu que j’étais à court d’options et elle a donc fait venir une infirmière à mon domicile pour m’apprendre à m’autocathétériser. Auto-QUOI? Je sais, cela semble horrible. Mais écoutez-moi parce que l’autocathétérisme signifie que vous pouvez mettre votre pipi où vous voulez. Je ne saurais trop insister sur les avantages de cette méthode.
Comme pour les mystérieux tampons de mon adolescence, il ne m’a pas fallu beaucoup de temps pour m’habituer. Après quelques jours de pratique, avec un miroir et un peu de patience, je pouvais me cathétériser les yeux fermés, et ivre, s’il le fallait.
Mais comme à l’adolescence, l’impact psychologique a été plus grand que l’impact physique. À la puberté, l’utilisation des tampons marque le passage à l’âge adulte. Une période terrifiante, mais passionnante. L’utilisation de trucs de continence donne plutôt l’impression d’arriver à Château-lès-Vieilles, en banlieue de Maladvilla. Et l’apprentissage du cathétérisme (alors que j’aurais pu continuer à faire pipi au lit comme un enfant) m’a donné l’impression de prendre ma carte de rabais pour ainés. Pire, cela signifiait que je devais reconnaitre et accepter que mon incapacité s’installait encore plus dans la permanence.
Je ne sais pas comment j’ai pu l’accepter, mais je l’ai fait. Ça ne fait pas mal, ce qui contribue à l’acceptation. Je ne fais plus pipi au lit ni dans ma culotte d’ailleurs. Plus jamais. Ça m’a vraiment aidé. Mes cheveux n’ont pas blanchi et on ne m’a pas encore prise pour une grand-mère. Mes amis le savent et ils s’en fichent. Le Banquier n’est pas du tout inquiet et continue de me trouver sexy. Alors, voici un secret: ce n’est pas si terrible.
Je n’y suis pas arrivée du jour au lendemain. Au début, je ne pouvais même pas me résoudre à dire le mot «cathéter» et j’ai donc personnifié la chose en en faisant ma nouvelle fausse amie Cathy. Très vite, cette maigrichonne m’a accompagnée partout et je me suis vite rendu compte que cela me facilitait la vie. Elle m’a libérée. Je me sentais libre de sortir ou d’aller me coucher, de dormir à l’hôtel ou chez des amis. Et en prime, elle me donnait une excuse pour faire du shopping. Parce que si j’ai besoin d’accessoires pour faire pipi, il me faut le parfait petit sac Kate Spade pour les transporter.
La frontière est mince entre trop en dire et ne pas en dire assez. C’est difficile de parler de ces choses-là, alors on a tendance à se taire. Ce faisant, on s’isole encore plus et le problème est encore plus terrifiant. Je ne dis pas d’étaler notre incontinence sur FB, beurk. Mais à bien y penser, c’est juste du pipi, surtout du vin de l’eau. Alors, revenez-en.
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