Quatre mois après ma dernière tentative de déjouer la sclérose en plaques (SP), un spécialiste m’a dit que c’était fini: j’avais épuisé toutes les options de traitement. Mon meilleur espoir était de trouver une étude de pointe ou d’attendre patiemment que la science me rattrape. En passant, le traitement que je venais de recevoir m’excluait de la plupart des études. Je savais que cela allait arriver un jour.
Au fil des ans, je me suis offert plus d’un extreme makeover du système immunitaire. Cependant, aucun n’a réussi à stopper la maladie et il est impossible de mesurer l’impact de toutes ces manipulations sur mon système. Cette stupide SP est plus intelligente que moi. Alors, comme je l’ai fait à maintes reprises auparavant, j’ai commencé à m’adapter à une nouvelle normalité. Cette fois en essayant de faire la paix avec ma putain de démarche frankensteinienne.
Puis, six semaines après la décevante nouvelle, surprise! Mon neurologue, d’un naturel prudent, me recommande un traitement expérimental non homologué en agitant la carotte SP. Vous savez, cette petite récompense accrochée au bout d’une ficelle qui fait marcher (façon de parler) les récurrents-rémittents? La possibilité — bien qu’infime — que les choses soient peut-être, sait-on jamais, un peu moins chiantes après une intervention agressive qui n’est pas sans risques.
En plus de mes injections et perfusions régulières de médicaments modificateurs de la maladie, je me suis rendue quelques fois aux urgences pour recevoir des bolus de solumedrol afin de traiter des poussées. Mon premier rétablissement induit par les stéroïdes ressemblait à un putain de miracle. J’étais aveugle et j’ai vu. Je boitais et j’ai dansé. LITTÉRALEMENT. Comme un tour de magie aux proportions bibliques. On s’en fout si ça cause un peu d’ostéoporose. Les stéroïdes s’accompagnaient d’une carotte et j’étais l’âne affamé. À plusieurs reprises, au fil des ans, j’ai refait le même marché avec ce foutu diable à la grosse face ronde.
Mais voilà le problème.
La valeur médicinale des ces carottes est au mieux discutable, et nos supplications, notre soumission devant elles sont franchement embarrassantes. Il faudrait dire aux ânes de ne pas lever un foutu sabot tant que ces carottes desséchées n’auront pas été marinées dans du sirop d’érable, trempées dans de la pâte à gâteau, puis frites et enrobées de glaçage au fromage à la crème. Parce que ces carottes sont de sournoises menteuses. À chaque poussée, la carotte d’une rémission s’éloigne un peu plus devant moi et ma SP devient progressive. La carotte devient plus floue et juste un peu plus difficile à atteindre. Mais ça ne fait rien. Une fois qu’on a gouté à la carotte, on ne peut plus y résister.
La possibilité d’effacer tout dommage à mon cerveau et à ma moelle épinière est trop alléchante. J’en viens à oublier qu’il s’agit d’une maladie incurable et que tout ce que les stéroïdes peuvent garantir, c’est de l’insomnie, de la douleur aux articulations et la rétention de six livres d’eau.
Le jeu de la carotte, c’est de vous faire oublier les risques pour que vous ne pensiez plus qu’à la récompense.
La sclérose en plaques cyclique (poussées-rémissions) est une traversée houleuse qui va de périodes de dévastation totale à de la gratitude sans fin pour la moindre amélioration. Au cours des deux dernières années, ma capacité à me rétablir est devenue incertaine. Ma chance est en train de tourner. Même mon statut de SP cyclique n’est plus certain. La carotte n’a pas tenu ses promesses.
On me propose un traitement expérimental dont on ne verra les effets positifs qu’à long terme, s’il y en a. En revanche, il fera rapidement sentir ses effets secondaires désagréables. Malgré tout, j’accepte de mettre ma vie entre parenthèses pendant un petit moment et de servir de cobaye. Je vais accueillir les maux de tête, les nausées et les vomissements. J’avais besoin de perdre six livres avant l’Action de grâce, de toute façon. Je vais le faire parce que ce traitement pourrait aider. Comment? Pfft. Personne ne le sait. Ce n’est pas important. C’est la meilleure (et la seule) offre sur la table en ce moment.
Il y a un mois, je pensais qu’il n’y en aurait plus jamais.
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