Quand la SP inspire la poésie

Il y a quelques semaines, j’ai reçu un colis par la poste. C’était un recueil de poésie que m’envoyait Jennifer Evans, autrice et Trippeuse. Dans cet ouvrage, elle a réuni des poèmes écrits par des personnes atteintes de sclérose en plaques (SP) et inspirés de leur vécu. Le livre s’intitule Touching MS, Poetic Expressions (Ressenti SP, Expressions poétiques).

J’ai d’abord été ravie de recevoir un cadeau aussi attentionné de la part d’une étrangère.

Puis j’ai pensé: «Oh là là, de la poésie amateur sur la maladie. Ça va être épouvantable. Je me suis servi un grand verre de vin et j’ai décidé d’y jeter un coup d’œil, parce que ce sont mes amis. À ma grande surprise, j’ai fini par lire tout le recueil d’un souffle. Il n’y a pas que du Tennyson, mais quelques textes correspondaient tellement à ma propre expérience que j’aurais facilement pu les écrire. (Enfin, il n’y avait pas assez de gros mots pour que vous puissiez croire que je les avais réellement écrits, mais c’est précisément pour ça que je n’écris pas de poésie, bitches.)

Ne vous laissez pas berner par la couverture fleurie. Il n’y a rien de mielleux à l’intérieur. Tantôt pleins d’espoir, tantôt crus, ces poèmes vous rappellent que vous n’êtes pas seuls.

Comme celui-ci, de Marie Kane (traduction libre):

Indemnes

La flamme du charbon de bois éclaire les briques du patio. Tu retournes le steak,

     révèles le marquage du gril.

Je suis assise sur la véranda, en surplomb; nous ne parlons pas, comme souvent.

     Tu regrettes peut-être d’avoir opté pour un steak, d’avoir à le faire cuire,

à le trancher, puis devoir tout nettoyer après le repas 

     avec ses légumes et son riz, et même maudire ta décision

de m’épouser, maintenant que je suis estropiée, incapable d’en faire

     autant qu’avant — 

plus rien, en fait — et tu es si calme que je voudrais

     rugir 

de toutes mes forces, te reprocher d’être si

     affreusement stoïque.

Tu as terminé la cuisson, tu montes sur la véranda, m’embrasses sur l’épaule,

     et tu entres dans la cuisine. Je te suis, ma canne s’accroche dans la bande métallique

de l’entrée. Je m’agrippe à la porte pour

     ne pas tomber.

«Ça va?» demandes-tu. Pour rien au monde

     je ne te dirais la vérité. Tu enlèves les gants

de cuir rouge, mets les asperges et le riz 

     dans l’assiette blanche.

tu coupes le steak en fines tranches, tu me réserves les plus tendres,

     et avec les mêmes mains solides, tu m’aides à m’installer dans ma chaise,

l’avances dans la position la plus appropriée vers la table, tu me sers

     mon assiette,

et allumes les bougies. Nous mangeons à leur faible lueur, et 

     du plus profond

de mon être, je réponds à ta générosité avec des compliments

     confus sur la nourriture. Plus tard, je te regarde dormir,

l’odeur de la grillade dans tes cheveux, tes mains — 

     indemnes, larges, qui reposent sur ma poitrine — 

me disent que cette nuit t’appartient.

Ce billet a été publié à l’origine sur multipleclerosisnewstoday.com (site en anglais).

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