J’ai reçu récemment un tweet de @megannenicole qui me suggérait d’écrire sur les «façons dont les gens atteints de SP (ou d’autres maladies chroniques) pouvaient gérer leurs symptômes sans devenir des panneaux publicitaires ambulants pour leur maladie». J’ai interprété cette demande ainsi: «Comment composer avec quelque chose qui fait chier sans devenir chiant»?
Divulgâcheur: Je cherche encore comment réussir ça.
Je déteste que la sclérose en plaques (SP) prenne une si grande place dans ma vie et, oui, j’ai souvent l’impression d’être un panneau publicitaire pour la SP. Dans mon cas, un panneau pas très ambulant, cependant, plutôt trébuchant.
Les panneaux publicitaires sont des plaies visuelles qui veulent nous faire acheter des trucs. Ils sont tellement vulgaires qu’ils sont interdits au Vermont, car le Vermont est un endroit très classe. Mais que pourrait bien nous vendre un panneau publicitaire pour la SP? Êtes-vous le héros tragique de votre propre film? Une personne qu’on prend en pitié et qu’on expose pour rappeler à la masse que leur vie pourrait être bien pire? Est-ce que votre maladie est la seule chose dont vous parlez?
J’angoisse à l’idée de devenir ce genre de publicité ambulante parce que la SP représente déjà une trop grande partie de mon identité. On nous dit de ne pas laisser la sclérose en plaques nous définir (ce qui, en passant, ressemble à un code pour dire J’en ai marre d’entendre parler du drame de ta maladie, est-ce qu’on peut parler de celui de la femme au foyer?). Alors on fait semblant que la SP, ce n’est rien et on dit des choses comme:
«J’ai la SP, mais la SP ne me possède pas.»
Notre identité se construit avec les choix que l’on fait — la musique qu’on écoute, comment on s’habille, les toasts à l’avocat qu’on préfère — et avec ce qui nous est imposé — notre lieu de naissance, notre niveau d’intelligence, nos parents. Je n’ai pas choisi les taches de rousseur sur mon visage ni la longueur ridicule de mes orteils, mais ça fait partie de moi.
À l’heure où même le choix de nos marques revêt une importance inégalée dans l’histoire (pour vous en convaincre, regarder les médias sociaux), un diagnostic de SP peut provoquer une crise d’identité. On me demande régulièrement «Qu’est-ce que tu as à la jambe?». Bien que j’aie envie de dire que je me suis battue avec une bande de ratons laveurs, j’avoue presque toujours avoir la sclérose en plaques. Cela suscite inévitablement des réactions bizarres et des commentaires du genre «Je suis vraiment désolée. Ça doit être terrible.»
Que répondre au parfait inconnu qui vient de vous dire que votre vie ressemble à un cauchemar? Qu’est-ce que vous vous dites à vous-même?
C’est tentant de nier la partie sclérose en plaques de mon identité, et lorsque ma maladie était encore invisible, c’est ce que je faisais. Je ne trouvais pas que c’était sain de rejeter cette partie de moi, mais je ne pensais pas non plus que c’était plus sensé de l’embrasser.
Être handicapé met en évidence ce que nous ne pouvons pas faire et nous pousse à nous définir en fonction de nos limites. Je ne peux pas conduire, ça fait partie de la liste. Je ne peux pas courir. Je ne peux pas marcher sans aide. La liste s’allonge. Je ne peux même pas pisser sans aide.
Je. Ne. Peux. Pas
Je ne sais pas comment changer un pneu, mais ça ne fait pas partie de mon identité. Je ne sais pas garder une plante en vie, et je ne sais pas jouer de l’accordéon (même si j’aimerais vraiment pouvoir le faire). Qu’est-ce que je peux faire? Il faudrait que cette liste soit plus longue que celle des peux pas. Bon, je peux respirer. C’est flou, mais je peux voir. Je peux vous faire un martini génial. Je peux mettre du rouge à lèvres.
Ouate de phoque, je peux aussi parler anglais.
Et si notre identité ne tenait pas compte de nos déficiences physiques? Si ce que je suis avait plus à voir avec ce que je fais plutôt qu’avec la façon dont je le fais? Voici mon illumination.
Je peux ne pas aimer que la SP fasse partie de mon identité, mais je dois faire avec. Me sentir obligée de cacher une partie de moi, de qui je suis, c’est malsain. Si je veux être en paix, si je veux qu’il y ait moins de stigmatisation, je ne peux pas avoir peur de mettre la SP sur ma liste, ni avoir honte de revendiquer mon handicap comme faisant partie de mon identité. Mais je ne veux pas que la SP m’engloutisse, je ne veux pas qu’elle diminue mes autres qualités, je veux simplement la reconnaitre et continuer à être la même fille badass que j’ai toujours été.
Qui suis-je sans sclérose en plaques? Pour le meilleur ou pour le pire, cette personne n’existe pas. Je ne peux pas me dissocier de ma maladie, pas plus que de mes taches de rousseur ou de mes orteils bizarres. Enfin, peut-être que mes orteils sont troublants, mais mes taches de rousseur sont adorables. Pourquoi?
Parce que j’en ai décidé ainsi.
Tu dis «dommages causés par le soleil», je dis «baisers d’ange». Je ne dirai jamais que la sclérose en plaques est charmante, mais c’est à moi de choisir comment je la perçois. La société peut bien voir les maladies chroniques comme pitoyables et nous réduire à l’impuissance, mais je ne suis pas obligée d’acheter cette conception mal informée et paresseuse. Qu’est-ce que la société peut bien savoir, de toute façon?
Personne n’a les mêmes capacités, et l’incapacité est beaucoup plus normale qu’on ne le croit. C’est une réalité à laquelle la plupart des gens sont confrontés sous une forme ou une autre. Personne ne sort vivant de cette vie.
Quand on a une maladie chronique, on renforce notre autonomie en entretenant une identité forte et une image positive de soi. Cela aide les autres à nous traiter de façon juste et équitable. Cela nous donne le courage de revendiquer de meilleures conditions et, par exemple, des toilettes accessibles dans les lieux publics (hem, Toronto). Peut-être qu’au lieu d’avoir l’impression d’être le Times Square de la SP, je pourrais simplement mettre une petite annonce sur Kijiji. Peut-être qu’au lieu du vieil adage J’ai la SP, mais la SP ne me possède pas, je pourrais dire «J’ai la SP. Je ne suis pas la SP».
Je pourrais aussi simplement déménager au Vermont.
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