L’art d’être hypocrite, version sclérose en plaques.

Les photos avec mes aides à la mobilité me mettent encore mal à l’aise, mais le Banquier m’a croquée ici arborant un look steampunk et un déambulateur lors d’une fête mémorable dans une galerie d’art chic.

Le lendemain d’une folle soirée, je fais ce que toute fêtarde qui se respecte fait: je trie mes quatre millions de photos. Je supprime celles qui sont floues, celles où mes cheveux sont bizarres ou celles où mon strabisme me fait paraitre complètement paf. Le photoréalisme, très peu pour moi. Je publie les photos les plus réussies de ma vie trépidante et glamour sur les réseaux sociaux. Et je vais me brosser les dents.

L’art d’être hypocrite, version sclérose en plaques (SP)

Le Banquier et moi sommes allés à un gala avec environ 1 900 autres personnes parmi les plus cultivées et les plus cools que le Toronto artistique peut compter. Une tenue steampunk était recommandée et j’ai frappé fort grâce à la collection vintage de ma mère. Je me sentais fort belle, à l’égal de tous les autres invités. J’ai reçu des tas de compliments du beau monde du Grand Toronto, dont je faisais partie ce soir-là.

J’en ai la certitude puisque j’ai même été traquée par des paparazzis. J’ai été ravie qu’un photographe me demande s’il pouvait me prendre en photo en disant que mon chapeau avait attiré son attention. Cette vieille chose? J’ai immédiatement accepté en attrapant ma canne pour prendre ma pose la plus excentrique. Et j’ai poussé sans ménagement Optimus Prime, mon déambulateur convertible, hors de la vue.

Quoi?

Sous une boule disco et sous l’influence de plusieurs martinis au concombre, j’ai fait comme si je ne connaissais pas mon déambulateur, comme si je n’en avais pas besoin. Pour le bien de la photo. Je n’ai repensé à ce geste de mépris envers Optimus que le lendemain matin, en me rejouant le film de la soirée. Vous savez ce que c’est, une fois dégrisé, vous faites défiler les souvenirs de la veille dans votre tête, puis tout à coup le doute vous assaille. Il y a des trous dans vos souvenirs. Est-ce que j’ai texté? Qui? Avec qui j’ai couché? Qui j’ai insulté?

Couvrez ce déambulateur que je ne saurais voir

Il s’avère que j’ai insulté un robot, mais que ce robot a un nom, il s’appelle Optimus Prime. Nous avons une relation trouble et il fait un peu partie de moi, alors je me suis peut-être insultée moi-même.

Mais, bon sens, de quoi tu parles? Es-tu encore soule?

Peut-être.

L’année dernière, j’ai écrit un article dans xojane à propos de la beauté handicapée. J’ai parlé de la difficulté qu’on avait, dans notre société, à accepter le handicap comme quelque chose de normal, de beau même. Mais la représentation que les médias font des personnes handicapées ne va pas dans ce sens-là, ce qui influence grandement notre façon de penser. Un an plus tard, une publication branchée venait de me donner la chance de représenter les personnes handicapées exactement comme je le revendiquais, et JE L’AI LOUPÉE.

Soyons honnêtes. Depuis que mon déambulateur est entré dans ma vie, je le cache sur les photos. Avant, c’était ma canne que je faisais disparaitre sur des clichés qui n’étaient même pas destinés à un magazine ou même à un blogue. Pourtant, quand je raconte ma vie, je n’essaie pas de réécrire l’histoire ou de nier mon expérience. On est tous confrontés à notre image. Les selfies nous aident à influencer comment les autres nous perçoivent, mais nous, comment nous percevons-nous?

En toute honnêteté

Je n’aime pas ce que je pense que les autres vont penser de moi s’ils me voient avec une aide à la mobilité. Si une image vaut 1 000 mots, j’ai l’impression que ce sont tous des mots négatifs si l’image est celle d’une personne handicapée. J’ai été conditionnée, comme tout le monde, à voir dans mes aides à la mobilité le symbole de mon propre déclin.

Et si c’étaient des symboles de persévérance, de résilience, que l’on peut porter fièrement?

Est-ce que je peux surmonter mes propres préjugés?

En toute humilité

Je veux contribuer au message qui dit qu’une personne handicapée peut être belle. Je le veux vraiment. Pour le bien de la société et pour mon propre bien. J’aimerais ne pas avoir la sclérose en plaques, j’aimerais ne pas avoir besoin d’aide à la mobilité. Mais ce n’est pas le cas. Je sais que la meilleure version de moi-même ne cache pas sa réalité, mais la gère avec grâce. Je sais tout ça, et malgré tout, je ne peux promettre que je ne recommencerai pas.

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