J’ai hésité à parler de sexe et de sclérose en plaques (SP) parce que chaque fois que j’écris des mots comme «nichons» ou même «talons aiguilles», je suis inondée de pourriels de sites pornos russes ou de types louches canadiens. Aussi parce que mes parents sont toujours en vie et qu’ils parlent de mon blogue à tout le monde à l’église. De toute façon, si vous avez la SP, vous savez déjà que la maladie peut compliquer votre vie sexuelle. Si vous ne la saviez pas, vous êtes peut-être en train de vous reprocher quelque chose qui n’est pas de votre faute. Cela me semble une raison valable pour aborder ce sujet *hum délicat, même si on a un baptême bientôt et que je vais devoir affronter tout ce beau monde à l’église.
À 22 ans, au moment de mon diagnostic, j’ai appris dans un dépliant que la SP pouvait affecter ma vie sexuelle. Une fois mariée devant Dieu *hum, j’ai pu découvrir quelques symptômes qui portent le nom collectif de dysfonction sexuelle. J’étais à la fois terrifiée, déroutée et frustrée. Bien que la dysfonction sexuelle soit très courante avec la SP, la plupart des patients n’en parlent jamais à leur neurologue (R-Dogg se serait carrément évanoui). En fait, je devrais plutôt dire que la plupart des neurologues n’en parlent jamais à leurs patients, puisque c’est à eux de le faire.
La première fois que je me suis retrouvée temporairement invalide après une relation, je pense que le Banquier s’est pris pour un super amant doué d’une habileté extraordinaire. Il avait été capable de littéralement paralyser sa copine (*hum, il voulait dire sa femme) et de lui faire voir double.
Comme je l’apprendrai plus tard, la sclérose en plaques peut faire pire que de transformer vos jambes en spaghetti après le coït (drôle de mot) pendant que vous essayez de reprendre vos esprits en comptant vos 10 ou 20 doigts. Selon tous les numéros de Cosmopolitan que j’ai lus, le cerveau est notre organe sexuel le plus puissant. Une information qui n’est pas particulièrement utile pour ceux et celles qui ont des lésions au cerveau. On le savait que le cerveau dominait, c’est justement ça le problème. Si vous avez la SP, cet organe complexe peut s’en prendre à votre vie sexuelle de trois façons. Les voici.
Les nerfs démyélinisés peuvent nuire à la fonction sexuelle en causant une baisse de la libido et une diminution de la lubrification, de la difficulté à atteindre l’orgasme et de la dysfonction érectile.
La SP est littéralement débandante. Médicalement parlant.
Avant de dire Non, merci, on va regarder Netflix, sachez qu’il existe des astuces pour déjouer votre cerveau et gérer ces symptômes.
La sclérose en plaques peut causer une baisse de la libido, mais certains médicaments aussi. Voyez avec votre médecin si ce ne sont pas vos médicaments les coupables et s’ils peuvent être remplacés. Un faible taux de testostérone est courant avec la SP et peut contribuer à vous désintéresser de la chose. Alors, faites vérifier votre testos. Ça vaut aussi pour les filles. Il faut vouloir faire l’amour pour le faire. Mais comment vouloir vouloir? C’est à vous de le trouver. Je ne vous dirai pas d’éteindre toutes les lumières et de boire une bouteille de vin sucré. Soyez vous-même.
Ça peut paraitre évident, mais procurez-vous un bon lubrifiant hydrosoluble et mettez-en généreusement. Faites-le du côté du lit où dort votre partenaire.
Je ne suis pas une adepte de la théorie des cuillères, mais si je l’étais, je vous dirais que le sexe peut vous couter toutes les cuillères de la journée et même celles du lendemain. Mais on devrait mesurer nos réserves d’énergie avec des piles, pas avec des cuillères. Et parlant de piles, pensez aussi à vous équiper d’un objet qui fonctionne avec des piles. Des piles puissantes.
Les mecs, au cas où vous ne seriez pas au courant (sérieux?), il existe des médicaments très efficaces pour gérer votre membre viril et vous n’êtes pas obligés d’attendre d’avoir les cheveux gris pour en profiter. Alors, faites ce que vous avez à faire.
Les symptômes secondaires qui vont aussi essayer de ruiner votre vie sexuelle sont ceux qui ne sont pas directement liés à la fonction sexuelle, mais qui se mettent résolument en travers du chemin. Par exemple, c’est difficile d’avoir le sexe en tête quand on souffre de problèmes de vessie ou d’intestin, de douleur, de fatigue, de spasticité, de faiblesse et j’en passe. Au moins 17 de plus. La communication, c’est génial, mais ce n’est pas toujours facile de dire:
«Pas ce soir, chéri. J’ai zéro confiance en mes intestins en ce moment.»
Quand vous êtes aux prises avec plusieurs de ces symptômes (parce que, vraiment, qui en a juste un?), faire l’amour peut ressembler à encore autre chose à faire, alors que vous avez déjà du mal à finir votre journée. De tous ces symptômes, la fatigue est sans doute le pire tue-l’amour, le grand détraqueur en chef. Tu veux faire l’amour? O.K., mais veux-tu aussi préparer le diner, finir la lessive, nettoyer la salle de bains et tout le reste que je devais faire ce soir?
Je blague. Je n’allais rien faire de tout cela (trainer sur Instagram, boire du vin à même la bouteille, dormir dans les vêtements que j’ai portés toute la journée). Le fait est que:
Le sexe leurre le cerveau atteint de maladie chronique. Vous voyez un lit et votre cerveau pense Oh oui, je veux m’étendre. Mmmm, c’est doux, est-ce que ce sont des draps en finette? Un verre de vin? Bien sûr. Comme c’est relaxant. Puis tout à coup, on s’attend à ce que vous fassiez des choses. Des choses qui ressemblent étrangement à de l’exercice. Ce n’était pas censé être un endroit pour faire de l’exercice.
Mais comme chaque fois que je fais de l’exercice malgré que j’en avais pas du tout envie au départ, je suis contente après parce que je me sens super bien. Cette sensation ne dure pas. Elle s’envole dès que j’essaie de plier mes jambes ou que je me lève ou que je vais à la toilette avant de choper une infection urinaire.
Il ne faut pas négliger les symptômes secondaires, qu’ils aient un impact sur votre vie sexuelle ou pas. Il existe des médicaments et des changements à votre style de vie qui peuvent vous aider. Les stratégies suivantes s’ajoutent à votre gestion de la SP. Comme toujours, il ne s’agit pas d’un avis médical.
J’essaie de prendre une dose supplémentaire de mon médicament contre la spasticité avant le grand moment, mais parlez-en à votre médecin. Essayez les étirements ou mieux, demandez à votre partenaire de vous aider à vous étirer. Trop médical? Je sais pas, les amis, je n’écris pas pour Cosmopolitan.
Dites à votre partenaire quelles zones sont douloureuses ou sensibles. Et rappelez-les-lui.
Si vous faites une fixation sur votre vessie ou vos intestins, vous n’aurez pas de plaisir. Il est important de se détendre. Le Banquier a l’habitude de m’entendre dire «Attends, il faut que je fasse pipi». Et on s’arrange. Mais ça peut être compliqué dans le cas d’une nouvelle relation ou d’une rencontre sans lendemain. Faites-le quand vous vous sentez en confiance.
Cosmopolitan ne couvre pas ce sujet (remarquez, je n’ai pas vérifié), alors parlez à votre médecin ou faites comme moi et laissez votre partenaire faire tout le boulot. Si cela vous semble égoïste, c’est parce que je le suis.
Sauver votre vie sexuelle peut compromettre la spontanéité, mais bon, vous allez vous en remettre. Comme presque tout quand on a la SP, la sexualité demande de la planification. Mettez l’activité à l’agenda et gérez votre énergie en conséquence. Peut-être ne pas aller au gym la même journée? D’ailleurs, une relation sexuelle compte pour une séance de physio. Planifiez, mais entendez-vous sur une sortie de secours. La sclérose en plaques est imprévisible et ça peut être réconfortant de conclure à l’avance un pacte qui vous permet de vous désister sans avoir à expliquer la douleur, la fatigue ou les problèmes intestinaux, et sans subir de reproches. Dites simplement: «on se reprendra».
La sclérose en plaques peut mener à la dépression et à l’anxiété, et affecter votre estime de vous-même. La SP peut changer la manière dont vous percevez votre corps. Il peut même arriver que vous ne vous reconnaissiez plus. J’ai souvent eu le sentiment que mon corps avait perdu beaucoup et c’est difficile d’imaginer ce qu’il pourrait encore donner. De toute façon, qui en voudrait, me suis-je dit dans mes moments les plus sombres.
Le capacitisme intériorisé peut nous faire croire que les personnes handicapées n’ont pas besoin ou ne veulent pas de sexe ou pire: qu’elles ne le méritent pas. Nous n’avons pas assez de modèles de personnes sexys qui sont handicapées, il ne faudrait donc pas nous en vouloir si on a du mal à reconnaitre notre propre désirabilité.
Les conjoints des personnes atteintes de SP reconnaissent qu’ils ne savent pas trop comment gérer les symptômes invisibles. Ils peuvent se blâmer pour le manque d’action au lit ou se sentir rejetés, croyant que votre manque d’ardeur signifie que vous n’êtes plus intéressé à eux. Ils peuvent se sentir coupables de vous désirer si fort alors qu’ils savent comment l’activité sexuelle vous coute cher. Peut-être qu’ils ont peur d’en parler.
Et peut-être que vous vous en faites pour eux. Ou peut-être pas. Comme si la liste n’était pas déjà assez longue, vous devez maintenant gérer les émotions d’une autre personne. Vous voulez la rassurer:
C’est pas toi. C’est moi.
Bullshit. Et c’est injuste envers vous-même: ce n’est pas vous, c’est la SP. Et vous n’êtes pas votre SP.
Occupez-vous de vos symptômes de dépression ou d’anxiété, et soignez-les. Pas seulement pour votre vie sexuelle, mais pour votre bienêtre en général.
Faites ce qu’il faut pour vous rappeler qui vous êtes et pour vous sentir un peu plus désirable. Ça peut être difficile de se sentir sexy quand on n’a pas pris de douche depuis un mois et demi et qu’on ne veut pas que personne nous sente les cheveux. Vous pomponner peut ajouter à votre fatigue, mais même moi, j’admets que sentir bon peut avoir quelque chose d’énergisant. Vous n’êtes pas obligé de faire ça tous les jours. Planifiez en conséquence.
La sexualité peut tous nous rendre vulnérables. Pendant que vous pensez que votre aide à la mobilité vous fait paraitre plus faible que sexy, votre partenaire est terrorisé à l’idée que vous découvriez son troisième mamelon. Si vous avez du mal à trouver des modèles, jetez un œil à #babeswithmobilityaids. Ce n’est pas seulement moi et mes jolis déambulateurs. Vous verrez un tas de personnes handicapées à divers degrés qui se mettent de l’avant pour changer le discours sur la vie des gens fabuleux.
Chers partenaires, sachez que nous voulons être les bêtes de sexe que vous méritez, mais que gérer tous nos symptômes est épuisant et accablant. Vous pouvez nous aider, en fait, il faut que vous nous aidiez. Les efforts pour entretenir la flamme doivent venir des deux côtés.
La solitude est un problème majeur avec la sclérose en plaques, le genre de problème qui peut raccourcir votre espérance de vie. Faire votre possible pour rester en contact avec les autres est aussi important que prendre vos médicaments.
C’est normal d’avoir du chagrin pour ce qui vous arrive. Cosmopolitan m’avait promis que je serais au sommet de ma sexualité à 30 ans, mais l’univers m’a donné la sclérose en plaques à 22. Ce n’est pas juste, et flipper est tout à fait compréhensible. Alors, oui, pleurez, puis remettez-vous en selle (façon de parler). Vous n’avez pas besoin d’ajouter votre sexualité à tout ce que la SP vous a enlevé.
Restez sexy, Trippeuses, Trippeurs.
Mise à jour: Je viens de googler Cosmopolitan pour voir si ça existait toujours (je lis Vanity Fair maintenant que je suis une grande personne). Eh bien oui. Et c’est beaucoup plus… comment dire… détaillé? que ce que je me rappelais. Il y a toute une section (en anglais) sur les couples mixtes handicapé/valide. Allez voir et laissez-vous inspirer. Beau travail, Cosmopolitan (je n’aurais jamais pensé dire ça un jour).
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