C’est la Saint-Valentin et même si c’est la fête du chocolat de l’amour romantique ou un bon moment pour appeler votre ex, complètement paf, j’ai déjà écrit sur ma vie amoureuse avec la SP, sans parler de ma vie sexuelle.
Quand vous avez la sclérose en plaques, tout le monde autour de vous est affecté. Je n’ai pas choisi de vivre avec la SP, mais n’importe qui qui choisit de vivre avec moi doit s’adapter à la SP. Ça, c’est de l’amour. Quand j’ai reçu mon diagnostic de sclérose en plaques, au début de la vingtaine, il y a un nombre x d’années, j’étais techniquement une adulte, mais à peine. Mes parents étaient encore mes premiers répondants et ils ont joué un rôle important dans l’histoire de mon diagnostic. Alors, cette année pour la Saint-Valentin, j’ai pensé faire une entrevue avec les premières personnes qui m’ont aimée: mes parents.
Maman: Je pense que tu tiens ton esprit logique et ouvert aux apprentissages de moi. Tu aimes apprendre et tu es une travailleuse acharnée.
Moi: J’aime aussi les potins et je suis dépensière. Je pense que tu m’as donné de précieuses leçons: «Ce ne sont pas des potins, c’est de l’information» et «C’est seulement de l’argent, tu peux en avoir d’autre.»
Maman: Tu aimes les belles choses, tu tiens ça de moi, c’est certain. Ça et ta joie de vivre. La vie est passionnante. La vie est belle. Tu tiens tes looks de moi. Et ton sens du style, évidemment.
Moi: Évidemment. «Il faut souffrir pour être belle» et «Si tu ne peux pas le cacher, décore-le», n’est-ce pas?
Maman: Avoir du style, c’est savoir qui on est. Ce n’est pas juste une question de mode, c’est savoir qui tu es et l’afficher.
Papa: Bien, tu tiens ton sens de l’humour de moi. Je pense que tu tiens ton altruisme de moi aussi.
Moi: Tu as déjà donné une pomme à une femme qui n’avait pas de dents.
Papa: Oui. Et elle m’a dit de me la foutre dans le cul.
Maman: J’avais peur que tu aies fait un AVC. La sclérose en plaques a été une surprise. Tu avais l’air complètement désespérée, tu pleurais. J’étais dans le déni et j’essayais de t’entrainer avec moi. Ç’a été une journée merdique.
Papa: Je dois avouer que je suis un peu honteux parce que je ne l’ai pas accepté. Quand tu as commencé à me dire ce que tu savais sur la sclérose en plaques, je n’écoutais pas. Je ne veux pas l’entendre parce que mon bébé n’a pas la SP, elle ne peut pas avoir cette affreuse maladie.
Moi: Quand as-tu finalement accepté que c’était la sclérose en plaques?
Papa: Ça s’est fait progressivement. Il a fallu que je t’écoute.
Maman: Quand on voit la maladie, c’est différent, aussi. Quand tu es rentrée de vacances et que je t’ai vue marcher, ça ne se passait plus ici (elle pointe sa tête), mais ici (elle pointe son cœur).
Papa: La première fois que je t’ai vue avoir du mal à marcher, ç’a été comme un coup de poing dans le ventre.
Papa: Se sentir impuissant. Je vois ce qui t’arrive et je ne peux rien faire pour l’empêcher. Mon seul pouvoir, je pense, c’est quand ça va vraiment mal et que j’arrive à te faire rire.
Maman: Je ne me sens pas impuissante. Je sens qu’il y a peut-être certaines choses que je peux faire. Comme te parler quand est venu le temps des cathéters. Évidemment, parfois, j’en fais trop avec mes conseils. Le plus dur, je pense, c’est de sentir que je dois m’occuper de ma santé sérieusement si je veux continuer d’être là pour toi.
Moi: Tu penses que tu dois vivre éternellement pour t’occuper de moi?
Maman: Non, c’est pas ça. C’est juste que je ne peux pas guérir ta SP. Je peux prier, et c’est ce que je fais. Mais je ferais n’importe quoi pour toi. Comme la fois où tu avais besoin de rideaux et que j’ai cousu 14 pieds de tissus. C’est ridicule, ça n’a pas de sens.
Moi: Alors, tu veux rester en vie pour me faire des gâteaux aux fruits quand je suis triste?
Maman: Ça ressemble à ça.
Moi: O.K. J’accepte.
Le Banquier: En avez-vous, en ce moment, du gâteau aux fruits?
Papa: C’est que la sclérose en plaques est dévastatrice. Et c’est beaucoup plus répandu que je pensais.
Maman: À quel point la médecine de la sclérose en plaques a changé au fil des ans. Et j’ai appris à quel point ça coute cher. Ça peut être dévastateur sur le plan financier.
Papa: Je me rappelle la première fois où on t’a dit que tu allais recevoir un nouveau traitement réservé à quelques malades. Alors, on se dit «ça y est, c’est la solution». Mais au fond de moi, j’ai des doutes. Et il s’avère que ce n’est pas la solution. Alors, tu essaies autre chose, puis encore autre chose, tu vas même en Pologne, bonté divine! Tout ce que tu as dû traverser. Tu n’es pas allée en Pologne juste pour les pierogis.
Moi: Non, mais la vodka…
Maman: Je crois aux miracles. Une solution existe quelque part. On ne sait pas ce que c’est. Je garde espoir. Je me suis aussi sentie coupable. Souvent, j’ai pensé que c’était dans mes gènes ou parce que je ne t’avais pas allaitée. C’est vrai.
Papa: Je pense que les gens en général se font la même idée que moi au début. Ils ne savent pas ce que c’est, alors ça ne peut pas être si terrible. Si on te dit que quelqu’un a le cancer, tu sais ce que c’est et tu te dis qu’il n’y a rien de pire. Mais, désolé, il y a d’autres maladies que le cancer, et ç’a aussi été une révélation pour moi. Une chose qui me met en rogne, c’est quand les gens me demandent «Comment l’a-t-elle attrapée?»
Moi: Comme ils pensent que c’est lié à mon style de vie?
Papa: Certaines personnes, oui. Ou ils pensent qu’il te suffirait de prendre de la vitamine D. Ou ils disent Je connais des gens qui ont la SP et qui s’en tirent très bien».
Maman: Je pense que la plus grande idée fausse, c’est que si la maladie progresse, c’est parce que vous ne suivez pas le bon régime, comme celui de l’ami d’untel qui a la SP et qui va très bien.
Papa: J’ai entendu ça souvent.
Moi: Les gens vous disent ça à vous? (Ma tête veut exploser quand je me rends compte que je ne suis pas la seule à subir ce genre de microagressions de merde.)
Les deux en chœur: Oh oui!
Maman: Quelqu’un m’a dit récemment que tu devrais faire du taïchi. Et qu’il n’y a pas de mot en médecine chinoise pour dire «sclérose en plaques», qu’il y a quelque chose qu’on ne fait pas correctement ici.
Moi: Fuck, non!
Papa: C’est de l’ignorance. Comme moi au début. Malheureusement, j’en connais pas mal plus aujourd’hui sur la SP. J’aimerais mieux faire encore partie des ignorants.
Papa: Écouter. Parce que votre enfant va avoir beaucoup de choses à dire, et que plus la maladie va progresser, plus il va avoir de choses à dire.
Maman: Essayer de comprendre la perception que votre enfant a de la maladie. Et dites-vous qu’il va y avoir beaucoup de décisions à prendre en cours de route, des traitements à prendre, des choses comme ça. Je pense que le plus important est de continuer de voir votre enfant comme vous l’avez toujours vu et de le soutenir. Il ne faut pas qu’il se laisse avoir par l’opinion des autres et par les idées fausses.
Papa: Je suis d’accord, et tu fais un excellent boulot. Je tiens à le dire ici: tu sais qui tu es, tu sais ce que tu vaux. Le fait d’avoir une maladie ne change pas ça. «Je m’appelle Ardra Shephard, laissez-moi passer!»
Maman: Quand les gens reçoivent leur diagnostic très jeunes, peut-être qu’ils ne savent pas encore qui ils sont. Pour moi, c’est le plus grand danger.
Maman: Quand j’étais infirmière, plusieurs de mes collègues trouvaient que les patients qui avaient la SP étaient impatientes. Je pense qu’ils avaient le droit de l’être. Tu as besoin d’un esprit combatif.
Moi: Pour être capable de me défendre?
Maman: Ouais.
Papa: Je vois ce que tu fais, je vois comment tu gères ça et je me demande si je ferais la même chose si j’étais à ta place.
(Maman secoue la tête vigoureusement. C’est un non catégorique.)
Papa: Je suis extrêmement fier de toi parce qu’avec ton blogue tu ne fais pas juste t’aider toi-même, tu aides aussi un paquet de monde. Pour moi, c’est le plus important. Ça, et j’aimerais que tu arrêtes d’écrire des gros mots. Je ne peux le faire lire à personne à l’église.
Maman: C’est parce que t’es assez courageuse pour être honnête. La société nous a appris à ne pas parler de ces choses-là. J’adore lire les commentaires de tes lectrices et lecteurs.
Papa: Quand je te vois assise là, mon cœur me dit que ça va aller. Mais quand tu vas te lever, je vais te regarder marcher jusqu’à la porte et ça va briser mon rêve. Non, ça n’ira pas. La maladie ne s’en ira pas.
Maman: Quand t’es ici, on parle à Ardra, à ton esprit. Quand on te voit partir et avoir du mal à marcher jusqu’à l’auto, c’est ton corps qu’on voit. Et on pleure.
Moi: Oh mon Dieu. Qui a invité Sarah McLaughlin? Je ne veux pas que vous soyez tristes ou désolés pour moi quand vous me voyez marcher…
Papa: Je ne peux pas m’en empêcher. Je ne suis pas triste ou désolé pour toi, je suis fâché contre ça, contre le mal que ça te fait.
Moi: Ça, c’est mon déambulateur. C’est un outil…
Papa: Je sais, mais c’est un symbole pour moi. Ce n’est pas le déambulateur. Ce que je veux dire, c’est que je suis fâché contre la maladie.
Moi: Je pense à ma marche autrement maintenant. Je suis reconnaissante pour chaque pas que je fais, même s’ils sont fucking tordus. Je ne reste pas enfermée, isolée. Si les jours où je peux encore marcher me sont comptés, je ne vais pas les gaspiller en rêvant de marcher comme je le faisais il y a trois ans. J’ai déjà fait ça. C’est épuisant.
Maman: Je suis tout à fait d’accord.
Moi: Je ne veux pas que les gens qui me voient marcher soient tristes ou me prennent en pitié. Je fais plein de trucs. Je voyage. J’ai une belle vie.
Maman: Tu n’as pas besoin de nous convaincre. L’invitation à répondre à tes questions a permis de nous ouvrir un peu plus. Tu nous demandes comment on se sent et tu es notre petite fille.
Papa: C’est notre dernier mot.
Maman: Et tu es toujours super.
Je ne me suis pas retournée pour voir s’ils pleuraient quand je suis partie.
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