Anxiété, larmes, téquila. Bonjour fatigue du confinement!

* Fatigue du confinement
Tu ne m’auras pas, covid!

Vous vous rappelez quand je me vantais de ne pas avoir peur de l’apocalypse parce que mes 19 ans avec la sclérose en plaques (SP) m’avaient appris à composer avec les incertitudes de la vie? Eh bien, ça fait 59 jours de ça. J’avais 70 ans de moins qu’aujourd’hui. Depuis, la fatigue du confinement m’a rattrapée au milieu d’une crise de larmes et d’alcool.

Grâce à un excès de précautions — je sais ce qu’un rhume ou une grippe peut faire à ma SP —, je n’ai pas attrapé la covid. Je n’ai pas quitté mon appartement pendant 56 jours. En général, ça allait, enfin, je veux dire, je gérais. J’aime mon appartement, j’aime mon mari, je suis reconnaissante pour tout ce dont il faut être reconnaissants: de la nourriture, un toit, des pantalons de jogging. Je me suis appliquée à faire ce qu’il fallait pour assurer ma sécurité et celle de mon entourage.

Le confinement a des effets secondaires sur la SP

Ce que je commence à comprendre, c’est qu’être en sécurité veut juste dire être en vie, pas forcément en santé. Bien que je me sois protégée de la covid, mon état physique général en a pris pour son rhume. Quant à ma santé mentale, disons que ce n’est pas la joie.

Le cout physique du confinement pour moi a été le manque de physiothérapie, de soleil, de sommeil et d’exercice. Je n’ai pas reçu le traitement qui m’avait été prescrit pour ralentir ma SP. Les 5 à 7 commencent de plus en plus tôt et sont de plus en plus fréquents, et je n’ai pas la moindre idée de ce qui est arrivé avec mes régimes Whole30/FMD. En l’absence de ce qui nous procure de la joie et du plaisir, on remplit le vide facilement avec des pâtisseries et des chips Miss Vickie’s. J’ai perdu beaucoup de choses avec le confinement, mais j’ai gagné un bon 3-5 livres.

Le cout émotif du confinement est plus difficile à mesurer. Je devrais être à Washington en ce moment, avec une manucure toute fraiche et une robe toute neuve, pour parler de SP à l’évènement On The Move organisé par la MS Society. À la place, je porte un vieux teeshirt avec un trou sous l’aisselle et j’attends le prochain apéro-zoom pour avoir une raison de me peigner, tout en contemplant les traces de doigts que j’ai laissées sur le mur.

Vous ne pensiez tout de même pas que j’allais vous montrer mon vieux teeshirt miteux.

Vendredi, le Banquier m’annonce qu’il va continuer à travailler de la maison jusqu’à la fin juillet. Rien là de bien surprenant. Puis j’ai commencé à faire le calcul. Ça fait huit semaines que ça dure; fin juillet ça veut dire encore onze semaines. On n’est même pas à mi-parcours et je commence déjà à perdre ma zénitude.

J’ai fini par craquer

J’essaie d’être brave et résiliente et reconnaissante, mais la fatigue du confinement est réelle. Savoir que des gens en arrachent plus que moi ne m’aide pas à me sentir mieux. Ça fait juste me faire sentir comme une sale petite égoïste gâtée qui se plaint. Après m’être éveillée samedi matin en pensant O.K., c’est le jour de la marmotte, mais pitié, ne me ramène pas encore dans le salon, j’ai accepté à contrecœur d’affronter la journée. Même s’il neigeait — à la mi-mai, fuck! —, j’ai réussi à ignorer ma colère, ma frustration et ma tristesse.Du moins, je le pensais.

Rendu au soir, le Banquier a remarqué que ma démarche était un peu plus frankensteinienne qu’à l’habitude et il m’a offert de m’aider à faire des étirements.

Je ne sais pas pourquoi ce geste d’amour a déclenché les larmes qui ont mené à la téquila et à la décision de sortir de l’appartement le lendemain. Peut-être parce que je ne veux pas que mon mari/collègue/coloc/homme de ménage soit aussi mon physiothérapeute. Peut-être parce que je suis fatiguée et que j’ai besoin d’une bonne nuit de sommeil. Peut-être parce qu’on ne peut pas ignorer les sentiments et que la seule façon de s’en débarrasser, c’est de les évacuer.

LES BRUNCHS ME MANQUENT TANT

Tout ce temps perdu ne se rattrape plus

Même avant la SP, j’étais du genre à profiter de la vie au maximum (allez voir mes photos sur Instagram). Mais depuis le diagnostic, c’est pire, je veux profiter de chaque fucking moment. La sclérose en plaques m’a pris tellement de choses que ma devise est devenue Si je ne le fais pas maintenant, je ne le ferai jamais. Parce que, même si ça me fait mal de l’écrire, je sais avec une certitude crève-cœur que je ne retrouverai jamais la force d’avant, que ma condition empire. Cela ne veut pas dire que je ne trouverai pas le moyen de faire un tas de choses malgré la progression de la SP, mais que je m’efforce d’en faire le plus possible sur mes deux jambes pendant qu’elles peuvent encore marcher.

Il y a deux types de discours sur le confinement qui circulent en ce moment dans les internets. Il y a les appels autoritaires à vous laver chaque jour et à vous lancer dans un nouveau hobby: apprendre une langue, commencer un jardin, écrire un roman, n’importe quoi. L’autre discours est apparu comme en réaction au premier, il reconnait le fait qu’on est tous en état de choc et qu’on a de la peine. Il nous dit de prendre soin de nous-mêmes, de nous libérer de la pression de faire ou d’être quoi que ce soit en ce moment. On a le droit d’avoir de la peine et de manger du pain aux bananes. On a juste à exister.

Je comprends les deux discours. La covid est arrivée tellement vite. Ç’a été un puissant rappel que tout — TOUT — est possible et que rien n’est garanti. Ça me serre à la gorge quand je pense au peu de temps dont nous disposons et je ne peux pas vouloir qu’il file, même si c’est un sale temps.

Comment vouloir que le temps file, alors que c’est du temps où j’ai encore l’usage de mes jambes? Où je peux encore parler? C’est dur de ne pas penser que je suis en train de gaspiller les derniers jours où mes jambes peuvent encore me porter dans un petit appartement à attendre que la vie reprenne.

Carpe diem, version covid

Si je veux rester fidèle à ma philosophie de carpe diem dopée à l’E.P.O., comment je fais pour que chaque minute compte? Même si on commence à déconfiner un peu, on n’en a pas fini avec la covid. Comment être sûr qu’on est encore vivant, qu’on n’est pas juste en train d’exister?

C’est. Dur.

Ma vie me manque. C’est tout ce que je veux dire. Mais ce qui se passe aujourd’hui, ça fait aussi partie de ma vie.

Alors, hier, je suis finalement sortie de l’appartement. Après 56 jours à regarder les quatre murs, j’ai mis mon masque de calibre militaire et pris courageusement l’ascenseur jusqu’au sous-sol. Le Banquier m’a amenée faire une balade pour me rappeler à quoi ressemblait la vie dehors. On a garé la voiture dans une petite rue tranquille où j’ai pu marcher les 15 minutes que mes jambes pouvaient endurer, soit 13 minutes de plus qu’au cours des 56 derniers jours. J’avais les jambes raides, la marche était dure, décourageante, mais… bonne. Je suis sortie, et je vais sortir encore. Je vais continuer à vivre.

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