Je ne lutterai pas contre la SP cette année.

J’ai l’impression que je ne suis pas censée dire ça, mais j’ai aimé 2021.

Oui, je sais, 2021 a été pénible en grande partie. Je m’ennuie de mes nièces en Nouvelle-Écosse et j’abandonnerais Miss Vickies pour toujours en échange d’un vol où je me sentirais en sécurité, en route pour des vacances à la mer. Mais en 2021, je suis allée au mariage de Gord et Jen, j’ai mangé des moules frites sur la terrasse du P, j’ai siroté des lattes avec mes amis chez Ezra. Les manucures me paraissaient miraculeuses et les câlins me renversaient. Tout ce qui me semblait ordinaire en 2019 est devenu sacré en 2021.

Peux pas te parler. Suis à l’église.

Cette année, j’ai également pu vivre une expérience tout à fait exceptionnelle grâce à Fashion Dis. C’est un show télé sur la beauté et le handicap qu’on a tourné au cours de l’année et qui sera en ondes au Canada à partir de février. J’ai co-créé ce show et je l’anime.

Mais ce pour quoi je suis le plus reconnaissante de 2021, ce sont les changements à ma condition de personne atteinte de sclérose en plaques (SP). En 21 ans d’expérience avec cette maladie, les changements ont presque toujours été négatifs. J’utilise toujours un déambulateur et j’ai eu besoin d’aide pour me relever quand je suis tombée dans le sapin de Noël chez mes parents, mais grâce à un appareil de neurostimulation jumelé à de la physiothérapie intensive, j’ai vécu des changements avec ma SP franchement exaltants.

Mais me battre contre la SP?

Tous les jours (O.K., pas quand il fait moins dix ou qu’il neige, ou quand les abrutis de la rue Huron n’ont pas dégagé leurs foutus trottoirs), je fais une marche chronométrée autour du pâté de maisons. Depuis six mois, mes temps de marche s’améliorent de façon constante, et c’est comme je ne sais pas, de l’héroïne? Je n’ai jamais essayé l’héroïne, mais j’ai entendu dire que c’était une puissante saloperie. Et le high que j’ai en voyant mes temps s’améliorer est terriblement addictif.

Tout comme avec l’héroïne, il y a un côté sombre à mon intoxication. Le high que je ressens chaque fois que mon état s’améliore est proportionnel à l’anxiété, à la panique ou à la pure agonie que je ressens dès que ces améliorations sont menacées.

À deux minutes de l’agonie

Par exemple, aujourd’hui, lorsque j’ai mis 14 minutes et 9 secondes pour faire le tour du pâté de maisons — deux grosses minutes de plus que mon record personnel et presque une minute de plus que ma moyenne du mois dernier — j’ai failli laisser mon esprit partir en vrille. J’avais eu une série de mauvaises journées SP, et je me suis mise à penser qu’il ne restait que deux jours en décembre, et que c’est le premier mois depuis juillet où je n’ai pas enregistré de nouveau record personnel. Est-ce que c’est déjà le down de mon high? J’ai pensé qu’il était temps de dessouler, que je devais regarder en face la perte de mon dernier espoir.

Temps de marche autour du pâté de maisons (0,59 km)

Je sais que je réagis un peu fort. Je ne veux pas toujours m’attendre à ce que les choses empirent, mais soyons réalistes, la SP est une maladie chronique progressive.

Chronique = pour toujours. Progressive = ça s’aggrave.

(Bonne année!)

La raison des high et des down est évidente, ce qui l’est moins, c’est le mal que je me fais en les laissant dicter mon bienêtre. Je sais que mon amélioration est une bonne nouvelle, qu’elle mérite d’être célébrée, qu’elle mérite d’être criée sur les toits. Mais je dois me calmer, car je sais aussi à quel point ma force physique peut être temporaire, fugace et fragile. Je m’aperçois (même si je n’ai pas encore réussi à mettre cette sagesse en pratique) que mon bonheur ne peut pas être lié à ma SP, même lorsque ça va mieux.

Vous n’êtes pas fiables

Des buts atteignables

Mes buts pour 2022 sont petits et grands à la fois. Je veux voyager avec le Banquier dès que ce sera sécuritaire de le faire. J’espère tourner une deuxième saison de Fashion Dis. Je veux finir d’écrire le livre que j’ai à peine commencé. Je veux siroter des mimosas sur une terrasse avec des gens que j’aime, me blottir contre Tilly, réorganiser ma garde-robe. Ce sont des buts atteignables avec ou sans jambes qui marchent plus vite, ou même sans jambes fonctionnelles. Mon but est de bien me porter en 2022, même avec la sclérose en plaques.

En train de vivre ma best life

C’est clair que j’ai toujours des objectifs de santé. Des objectifs SP. Je ne peux pas prétendre que je ne veux pas désespérément continuer à devenir plus forte. La résolution que mon cœur et mes tripes veulent prendre serait de continuer à améliorer ma mobilité. Marcher plus vite et être plus forte en 2022, bref, continuer à me battre contre la SP. À première vue, ça semble noble et sage, et pratiquement tout le monde encouragerait une telle résolution. 

Mais ce serait une résolution basée sur le désespoir.

Je passe beaucoup de temps et d’énergie à préserver ma capacité de marcher, et je ne vais pas arrêter de poursuivre cet objectif une seconde. (Enfin, une seconde, peut-être. Cette vie est épuisante.) Mais j’ai consacré autant de temps et d’énergie à essayer d’accepter le fait que je ne serai peut-être pas toujours capable de marcher. S’engager dans une voie en croyant exclure tout risque d’une éventuelle paralysie totale, c’est aussi dangereux que de retourner vivre avec un conjoint toxique qui jure qu’il a changé. 

Faire de son mieux

La bataille contre la sclérose en plaques est perdue d’avance, et je ne suis pas une perdante. L’objectif que je dois me fixer pour 2022 est de faire de mon mieux. En tant que fille d’intérieur pas du tout sportive, j’ai reçu ma part de trophées condescendants au fil des ans. Mais peut-être qu’il y a quelque chose de valable dans la reconnaissance de nos efforts. Peut-être que nous méritons un prix, juste pour avoir fait quelque chose. Ce qui peut être plus difficile qu’il n’y parait.

C’est gentil, mais j’aurais préféré un Nobel pour avoir fait la paix avec cette chienne de maladie.

En 2022, je veux approcher la manière dont mon corps bouge de manière plus neutre. Je veux me rappeler, ou peut-être me convaincre, que marcher plus vite ou être plus forte, c’est bien, mais que ce n’est pas une obligation. Ce n’est pas une cible à atteindre pour être heureuse. Mes succès et mes échecs, mes joies et mes peines ne peuvent se mesurer en secondes ni en nombre de pas. Cela dit, je ne suis pas prête à abandonner mon chronomètre ni à cesser de mesurer mes progrès.

La fin des montagnes russes

Je vais foncer, mon PoNS entre les dents, en faisant tout ce que je peux pour aider mon corps à faire de son mieux. Mais mon but pour 2022 est de débarquer des montagnes russes. Plutôt que de me laisser submerger par la joie quand je vois du progrès, je vais poliment et calmement me remercier. Je ne vais pas me remercier pour un nouveau record, mais pour mon engagement envers moi-même. Quand ça va chier, plutôt que d’imaginer le pire scénario, je vais me remercier en double pour avoir fait quelque chose de mon mieux. Le reste n’est pas entre mes mains. Ni dans mes jambes.

Vingt-quatre heures après avoir écrit ce billet, le dernier jour de 2021, j’ai battu mon record: 11 minutes 58 secondes. Je prends une grande respiration et j’essaie de rester calme. Ma résolution de rester neutre est soumise à son premier test. Mais quand j’examine mon sentiment, je m’aperçois que ce n’est pas de la joie que j’essaie de calmer. Ce que je ressens, c’est du soulagement. Je suis sur la bonne voie. J’ai juste besoin de ne pas lâcher.

Bonne année, Trippeuses, Trippeurs! Puissiez-vous faire de votre mieux en 2022.

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